Le zéro phytos change la donne pour les terrains de sport

Source: GreenTechPower

Au travers de cette rubrique Dr Gazon, nous laissons à chaque fois la parole à notre consultant maison, Frédéric Cahay, afin qu’il aborde de manière plus précise un sujet qui pose problème à de nombreux greenkeepers, entrepreneurs de jardin ou administrations publiques en ce qui concerne le gazon. Au cours de ces dernières années, nous nous sommes en effet rendus compte à maintes reprises que la plupart des professionnels sont encore trop souvent confrontés à des problèmes concernant le gazon. Pour ce premier article, nous avons décidé de nous intéresser davantage au zéro phytos, au travers d’une approche pratique : l’évolution des techniques d’entretien des gazons de sport.

Les deux sports pratiqués sur gazon naturel rassemblant les plus grands nombres d’affiliés sont dans l’ordre le football et le golf. Ils touchent toutes les couches de la population belge et européenne. Ces sports sont pratiqués dans des clubs et génèrent une masse importante d’emplois directs et indirects ainsi que des retombées médiatiques et financières pour des régions entières.
Leur pratique se déroule sur du gazon qui est un organisme vivant qui réagit aux pathogènes et à son environnement. Pour la bonne pratique du sport, le gazon doit être coupé et entretenu de façon normée par les instances sportives internationales et Olympiques et doit rentrer dans certains critères sous peine de ne plus permettre le jeux proprement dit.
Le stress d’un gazon de sport est permanent et lié à la hauteur de coupe parfois très basse, à l’ombrage, l’humidité/la sècheresse, la présence de pathogènes. Depuis que les connaissances et l’expérience l’ont permis, les gazons ont été soignés par des méthodes naturelles et/ou chimiques. La chimie moderne a comme pour le monde agricole augmenté l’efficacité des traitements et mis de côté les connaissances ancestrales. Le problème de la chimie de synthèse, c’est qu’elle est généralement efficace sur le traitement des symptômes et non sur la résolution des carences qui ont provoqué la maladie.
La Directive Européenne 2009/128/CE nous demande de baisser volontairement l’utilisation de produits phytosanitaire dans toute l’Union Européenne. Chaque pays et chaque région a interprété cette directive de façon parfois assez différente. La façon la plus constructive de parvenir à des résultats étant bien entendu une connaissance des problématiques et une concertation entre les autorités régionales/nationales et les secteurs concernés.
Dans les faits, le secteur est confronté à des impératifs de résultat pour satisfaire ses affiliés et sportifs de haut niveau et s’appuie sur des traitements pour lutter contre des maladies qui peuvent très rapidement causer la disparition totale ou partielle de la surface de jeux qui se trouve être l’outil de base pour les clubs.
Certaines molécules ont été pointées du doigt à raison et l’esprit de la circulaire est, nous l’avons tous compris, de s’orienter vers des pratiques plus respectueuses de la nature et des hommes.
Il va sans dire que cela prendra un certain temps. Il faut envisager dans un premier lieu d’optimiser toutes les pratiques culturales, les fertilisations, le renforcement des plantes et améliorer les conditions environnementales (circulation de l’air et apport de lumière).
Cependant, il faudrait pouvoir compter sur une concertation avec les autorités pour au moins réorienter des produits d’origine naturelle, à faible risque, utilisés en agriculture biologique, substances de base qui sont soit mal classés, soit non reconnus pour mettre sur pied une méthodologie innovante de maintenance des surfaces engazonnées.
Le maître mot étant : efficacité contre les pathogènes sans interférer avec la santé humaine, la vie des sols (voir en la stimulant ou en l’enrichissant), les organismes aquatiques… Bref en étant efficace sans impacter la vie des utilisateurs et du milieu.
Pour trouver cette formule magique, la route est encore très longue.
Des pistes existent mais elles doivent être validées et développées par la Science et l’Académique. Cela sous-entend une collaboration étroite entre le secteur, la recherche et le Politique. C’est déjà le cas dans tous les pays limitrophes.
Avec la législation la plus contraignante au monde, la Wallonie est littéralement mise au pied du mur et doit préserver ses terrains de sports et tout ce qui en découle comme emplois et comme image.
Nous avons une chance unique de développer une méthode qui sera applicable dans tous les pays du nord de l’Europe par la suite. Pour cela il faut avoir une législation qui colle aux réalités de terrain, un cadre de recherche pour de nouvelles molécules et une reclassification de substances à faible risque ou qui ont été mises dans une case qui en empêche l’utilisation.

Le sol est la base incontournable
Le sol qui compose les terrains de football et les greens de golf n’a plus grand-chose de naturel car il est composé en grande partie de sable ou de lave. Ce choix a été fait afin d’offrir un substrat très drainant permettant la pratique du sport dans toutes les conditions météorologiques. Ce substrat est peu enclin à accueillir la vie d’un sol naturel. On y trouve très peu de microorganismes et les substances fertilisantes y sont peu fixées.
La vie microbienne est primordiale pour la vie de la plante. Il faut donc ramener de la vie en permanence dans le substrat de façon artificielle pour créer une symbiose avec le gazon pour recréer une multitude d’interactions bénéfiques. Le deuxième rôle de ces microorganismes est d’occuper l’espace avec des souches aérobies qui comportent très peu de pathogènes et d’ainsi former une barrière physique vivante entre les racines de la plante et les pathogènes qui se trouvent naturellement dans tous les sols.
La troisième fonction de l’incorporation de microorganismes bénéfiques est de permettre la dégradation de la matière organique morte. En effet, la plante produit en permanence des déchets lorsque ses parties aériennes et souterraines meurent. En inoculant les microorganismes (champignons et bactéries) dans le sol, on rebooste le processus naturel de dégradation des matières organiques mortes.
L’utilisation dans le passé de produits phytopharmaceutiques (fongicides, herbicides, insecticides…) a tué tout ou en partie cette faune dans les sols. Les matières organiques non décomposées se sont alors accumulées (comme dans une fagne) sans se dégrader complètement créant une couche anaérobie peu propice à la vie du gazon et à l’écoulement de l’eau.
Les racines du gazon sont comme nous, elles ont besoin d’air pour respirer.
Il faut donc en permanence manager le ratio air/eau pour conserver un optimum de 20-25% d’humidité dans le sol. Pratiquement, cela passe par une bonne gestion de l’arrosage avec de nombreuses mesures à l’aide d’une sonde hygrométrique dans les sols sportifs et également des opérations mécaniques très fréquentes d’aérations du sol (Vertidrain,Procore…). Des racines saines et fournies donnent une plante en pleine santé et donc plus résistante aux pathogènes et permettent un ancrage solide pour la pratique du sport.

Vérifier les disponibilités en eau
Cet aspect a déjà été évoqué dans le chapitre précédent en termes quantitatifs. Il doit également être envisagé d’un point de vue qualitatif.
Le gazon est constitué à plus de 95% d’eau, c’est dire si cet aspect est primordial. Ce point doit être vérifié au minimum un fois par an pour éviter des problèmes sérieux.

La plante en elle-même
Le gazon est un organisme vivant qui a besoin d’air, d’eau, de nourriture.
Les deux premiers aspects ont été envisagés préalablement. L’aspect nourriture est évidemment très important. Comme pour les humains, une nourriture saine et équilibrée est primordiale pour le bon développement de la plante. Celle-ci se nourrit d’une multitude d’éléments minéraux qui lui sont essentiellement fournis par les engrais.
Le plan de nourriture d’une plante s’appelle plan de fumure. Il est basé au minimum sur une analyse de sol annuelle. Cette analyse détermine les carences (et/ou excès) que l’on retrouve dans le sol. Le plan est alors élaboré pour atteindre des équilibres qui conviennent au mieux à la plante. Comme tous les éléments évoqués ci-dessus, le manque d’un élément peut être un facteur limitant au bon développement de la plante et bloquer sa bonne évolution ou la rendre fragile face aux pathogènes.
Quand on parle par exemple d’oligo-éléments, les besoins de la plante sont extrêmement faibles en termes de quantité mais primordiaux d’un point de vue métabolique.
En résumé, il faut un peu de tout dans des proportions données.
La salinité et la composition des engrais vont également jouer un rôle sur leur efficacité et sur la santé de la plante. Il faut absolument privilégier des engrais non salins pour des raisons évidentes et des engrais à longue rémanence pour éviter les pertes par lessivage.
Les gazons sportifs sont fortement sollicités et généralement coupés assez courts. Outre le fait de créer un stress intense, cette coupe rase diminue fortement la capacité de la plante à produire du sucre par photosynthèse. Or, comme pour nous, le sucre est une source d’énergie pour sa physiologie et sa lutte contre les agressions extérieures. Pour compenser cette carence physiologique, on peut faire des apports de sucres sous différentes formes (chaînes longues ou courtes en fonction des effets désirés).

Bien choisir les variétés
Des sélections sont faites depuis des dizaines d’années pour offrir des variétés adaptées au sports sur gazon. Elles vont avoir des résistances différentes à différents stress (piétinement, dessèchement, ombrage, maladies…), des aspects différents et des qualités/défauts dans la pratique du sport.
L’interdiction de l’utilisation des produits phyto a complètement changé la donne au niveau du choix des graminées. Là où l’aspect sportif et visuel étaient les critères les plus importants, nous devons maintenant sélectionner des espèces essentiellement résistantes aux maladies.
Le Poa annua qui revenait en permanence sur les terrains grâce à sa forte production de graines et à son adaptation à nos climats est devenu l’ennemi numéro un dans le cadre d’une gestion sans produits chimiques pour sa faible résistance aux maladies et son faible enracinement.
Les sursemis avec les variétés que l’on a sélectionné pour leur résistance, leur adaptation à l’environnement et au substrat, sont devenus beaucoup plus fréquents désormais. Leur efficacité reste très aléatoire et est liée à différents facteurs biotiques (type de sol, lumière, humidité, fertilité…) mais est néanmoins absolument nécessaire.
Comme vous pouvez le constater, maintenir un terrain de football ou de golf est devenu beaucoup plus complexe sans produits phytos. Certaines périodes sont beaucoup plus sensibles comme l’hiver et l’été où des maladies se déclenchent encore systématiquement chaque année sans réelles solutions de traitement. Les conséquences peuvent être désastreuses pour les clubs car certaines maladies peuvent détruire la surface de jeu en un temps très court en anéantissant tout le travail fourni par l’équipe. Les conséquences sont alors immédiates en termes sportifs et financiers.
Avec cette nouvelle donne, tous les facteurs doivent être pris en compte pour maintenir en permanence la plante dans les meilleures conditions de pousse.
Malgré tous ces efforts, et le temps de mise en place de cette méthodologie (plus ou moins trois ans), on n’est jamais à l’abri des attaques de pathogènes et de l’effet de facteurs limitant qu’il faut au plus vite déterminer pour enrayer leurs effets sur le développement normal de la plante. Le tout est alors d’en limiter au maximum les effets.

Photos:
Frédéric Cahay
Sur un terrain de sport, le stress est permanent et est lié à la hauteur de coupe parfois très basse.
Pratiquement, cela passe par une bonne gestion de l’arrosage avec également des opérations mécaniques très fréquentes d’aérations du sol (Vertidrain, Procore…).
Le gazon est constitué à plus de 95% d’eau, c’est dire si cet aspect est primordial.
La Directive Européenne 2009/128/CE nous demande de baisser volontairement l’utilisation de produits phytosanitaire dans toute l’Union Européenne. Chaque pays et chaque région a interprété cette directive de façon parfois assez différente.